Les forces navales stratégiques russes et la nouvelle doctrine militaire
Les tensions en Ukraine ont ravivé les discussions concernant la posture stratégique de la Russie en matière nucléaire, et ce, d'autant plus que le président Vladimir Poutine a signé le 25 décembre dernier la nouvelle version de la doctrine militaire russe. Qu'en est-il des forces navales stratégiques ?
La doctrine militaire russe 2014 : dangers et menaces, quelle appréciation ?
La doctrine militaire russe 2014 annule et remplace la précédente version de 2010, signée par le président Dmitri Medvedev. Compte tenu des tensions liées à la crise ukrainienne, des changements en matière de définition de la menace et de concept d'emploi de l'arme atomique auraient pu être introduits dans la nouvelle version : il n'en est rien.
En matière d'emploi, la Russie se réserve le droit d'utiliser l'arme nucléaire en réponse à une attaque nucléaire et/ou d'armes de destruction massive menée contre elle et/ou un/ses allié(s), ou si une attaque conventionnelle venait à faire peser une menace existentielle sur elle (point n°27, pp. 12-13 du document). Il n'est fait aucune mention d'attaque nucléaire préventive.
En ce qui concerne les dangers extérieurs identifiés, l'OTAN et ses activités restent la source identifiée, et continuent d'être associées à des dangers, et non des menaces (la nuance est importante). La dégradation des relations politico-militaires créant les conditions pour le recours à la force, unilatéral ou non, reste la première menace identifiée par le document (p. 7, point 14a; identique à la version de 2010).
Les capacités stratégiques navales : un renouvellement en cours.
Les forces navales stratégiques russes constituent, avec les troupes de missiles stratégiques et les forces aériennes stratégiques, un des piliers de la triade nucléaire russe. Elles ont connu depuis l'année 2013 un renouvellement substantiel destiné à maintenir et moderniser leurs capacités, avec l'admission au service actif des nouveaux SNLE du Projet 955 Boreï et la mise en service du missile balistique stratégique Boulava. Les SNLE du Projet 955 Boreï et dérivé (Boreï-M) doivent constituer l'épine dorsale de la force de dissuasion navale russe et remplacer les SNLE du Projet 667BDR à bout de souffle et ceux du Projet 667BDRM.
Projet 667BDR
Fin 2014, 2 unités restent opérationnelles dans la flotte du Pacifique : le K-433 Svyatoy Georgiy Pobedonosets (admis au service actif en 1980) et le K-223 Podolsk (admis au service actif en 1979). Ils mettent tous les deux en œuvre 16 missiles R-29R. Leur retrait du service actif est prévu au fur et à mesure que les nouveaux SNLE du Projet 955 rejoindront la flotte du Pacifique à partir du second semestre 2015.
Projet 667BDRM
Fin 2014, la flotte du Nord aligne 6 SNLE du Projet 667BDRM tous opérationnels : le K-114 Tula, le K-407 Novomoskovsk, le K-117 Bryansk, le K-18 Karelya, le K-84 Ekaterinbourg et le K-51 Verkhoture. Ces sous-marins mettent en oeuvre le missile stratégique Sineva (R-29RMU2), et pour certains, depuis 2014, le missile Laïner (R-29RMU2.1).
Projet 955
Fin 2014, le flotte du Nord dispose d'un SNLE de type Boreï, le K-535 Youri Dolgorouki, admise au service actif en janvier 2013. Le submersible a reçu sa dotation de 16 missiles Boulava en octobre 2014.
Projet 667BDR (ASA) |
Projet 667BDRM (ASA) |
Projet 955 (ASA) |
Total
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2014
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2 - 32 missiles
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6 - 80 missiles (?)
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3 - 16 missiles
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11 SNLE - 128 missiles
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2015
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2 - 32 missiles
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6 - 80+ missiles (?)
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3 - 48 missiles
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11 SNLE - 160+ missiles
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Concernant les missiles mis en oeuvre :
Nom | Type | Nombre de têtes | Portée |
R-29R Projet 667BDR |
Propergol liquide
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3 MIRV | 6500 km |
R-29RMU2 Sineva Projet 667BDRM |
Propergol liquide
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4 à 10 MIRV | 8300 km |
R-29RMU2.1 Laïner Projet 667BDRM |
Propergol liquide
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4 à 12MIRV (?) | 8300 km |
RSM-56 Boulava Projet 955 Boreï |
Propergol solide
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1 à 6 MIRV | supérieure à 8000 km |
Source : site du ministère russe de la Défense, veille stratégique de l'auteur, bmpd, Soumarsov, Missile Threat, russianspaceweb.