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Mistrals égyptiens : un deal gagnant-gagnant pour Paris et Moscou

24 Septembre 2015 , Rédigé par Khan Publié dans #BPC pour la Russie, #Russie-Egypte

Le BPC Vladivostok. Source : Shipspotting

Le BPC Vladivostok. Source : Shipspotting

L'annonce faite par l'Elysée le 23 septembre d'un accord intervenu entre François Hollande et le Président égyptien al-Sissi sur "le principe et les modalités de l'acquisition par l'Egypte" des deux BPC ex-russes est une bonne nouvelle pour Paris et Moscou.

Le communiqué de presse diffusé par l'Elysée mercredi n'apporte guère d'élèments concernant le montant de la transaction ou les délais de livraisons, mais ces informations ont rapidement été rendues disponibles dans la presse. Voici ce que l'on sait à ce jour : Le Caire aurait acquis les deux BPC ex-russes, le Vladivostok et le Sébastopol, pour la somme de €950 millions, et leur livraison devrait intervenir en 2016 (mars, vraisemblablement). La somme indiquée inclue le coût de la formation des marins égyptiens, les deux engins amphibies rapides (EDAR) et les quatre engins de débarquement LCM. L'Arabie saoudite pourrait être associée au financement de l'opération de rachat. Le fait que le client soit l'Egypte pourrait en outre écourter le délai de livraison dans la mesure où la "dérussification" des BPC débutée à St Nazaire cette semaine pourrait n'être que partielle, les forces égyptienne étant usagères de matériels militaires russes et ex-soviétiques. Les BPC pourraient dès lors être disponibles pour la formation des équipages assez rapidement, en tous les cas, avant la fin 2015.

Alors que la France avait remboursé à la Russie la somme de €949,7 millions le 5 août dernier, le montant du contrat égyptien couvre presque à l'euro près la somme payée à Moscou. Elle ne cache cependant pas les pertes enregistrées sur le contrat dont le montant s'élevait à €1,2 milliard... en outre, il faudra attendre la vente effective des navires pour connaître le montant des pertes éventuelles enregistrées par DCNS et la Coface (Compagnie d'assurance française pour le commerce extérieur). La revente rapide des deux BPC n'en demeure pas moins une bonne nouvelle pour Paris, et vient s'ajouter à d'autres contrats d'armement signés avec l'Egypte en 2014 : 4 corvettes Gowind (€1 milliard, avec une option posée sur deux unités supplémentaires), une frégate FREMM (€900 millions) et 24 Rafales (€ 3milliards).

Pour Moscou, la revente à l'Egypte des deux BPC est aussi une bonne nouvelle. Outre le fait que la Russie et l'Egypte ont revitalisé leur partenariat stratégique à la faveur de l'arrivée au pouvoir du maréchal al-Sissi à l'été 2014, le contrat franco-égyptien a permis à Moscou de placer ses hélicoptère d'attaque Ka-52, y compris la version navalisée du Ka-52, le Ka-52K, mise au point par Kamov pour les BPC russes en vue de leur ex admission au sein de la marine. Le Caire et Moscou se seraient entendus pour un contrat portant sur 50 unités (20 Ka-52 et 30 Ka-52K), soit un montant estimé par les experts à environ $2 milliards (chiffre non confirmé par Rosoboronexport, l'agence fédérale russe pour les importations et exportations de matériels militaires). Ce contrat vient s'ajouter aux 2 à 3 milliards de dollars de contrats signés en 2014, portant notamment sur l'acquisition de S-300.

Ce contrat soulève néanmoins un certain nombre de questions. Qui paye la facture qui s'élève à en tout à plus de $3 milliards ? Il faudra en outre plusieurs mois, si ce n'est des années, à la marine égyptienne pour tirer pleinement parti des possibilités opérationnelles offertes par l'emploi des BPC. Par ailleurs, où seront-basés les Mistrals égyptiens ? A la base de Mersa Matrou ? A celle d'Alexandrie ou à Port Saïd ? Il faudra très certainement construire de nouvelles infrastructures pour accueillir les Mistrals égyptiens, ou a minima, mettre à niveau celles existantes. Mais le coût de ces travaux sera pris en charge par Le Caire, qui dispose de bien peu de moyens financiers, ou par Riyad ? L'Egypte pourrait déployer un Mistral en mer Rouge, pour intervenir contre l'Etat islamique dans le Sinaï, et projeter ses forces pourquoi pas au-delà d'Aden. Un autre BPC devrait être déployé sur la façade méditerranéenne du pays, et servir à des opérations contre l'EI en Libye. L'Egypte possède en tout 2 900 km de côtes, et il lui faudra protéger ses BPC avec un groupe de surface (Gowind, FREMM, ou les frégates de type Oliver Hazard Perry, qui ont été mises en service dans les années 1980 dans l'US Navy, avant d'être transférées à l'Egypte à la fin des années 1990). Dans l'idéal, il faudrait aussi un sous-marin pour protéger le groupe de surface formé par le BPC et son escorte, or l'Egypte ne dispose que de 4 submersibles de type Roméo transférés par la Chine au début des années 1980, et dont il est peu probable qu'ils puissent prendre la mer. Une autre opportunité de contrat ?

 

Sources : notamment Kommersant, Vedomosti, Elysée.fr, Opex360, Lenta.

MàJ du 28.09.2015 : précisions sur les Ka-52.

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