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Le succès de "l'Amiral Hmeimim"

11 Janvier 2017 , Rédigé par Khan Publié dans #Porte-avions, #Méditerranée, #Escadre méditerranéenne

Source : forum Balancer.

Source : forum Balancer.

Vladimir Poutine a annoncé le 29 décembre un allégement du dispositif militaire russe en Syrie, alors même qu'un régime de cessation des hostilités mis au point par Moscou et Ankara voyait le jour. Suite à cette décision, le groupe aéronaval russe a entamé son retrait et mis le cap sur Severomorsk. Quel bilan peut-on tirer pour le porte-avions Amiral Kouznetsov de ces deux mois de déploiement ?

 

Un gain d'expérience ?

La 8e mission méditerranéenne du PA Amiral Kouznetsov et de son groupe aérien embarqué (12 Su-33 et 4 MiG-29K/KUB) a donc pris fin après 2 mois de déploiement, une durée sensiblement plus courte que celle de la précédente croisière du bâtiment en Méditerranée. Il avait alors été déployé dans le bassin de la mare nostrum entre le 17 décembre 2013 et le 5 mai 2014. De la fumée dégagée par le PA à la perte de 2 appareils, le moins que l'on puisse dire, c'est que cette traversée aura marqué la fin de l'année 2016. Arrivé au large de la Syrie le 12 novembre dernier, le groupe aéronaval engageait ses premières cibles dès le 15 sur le champ de bataille syrien. Selon le ministère russe de la Défense, en près de 2 mois, 420 sorties ont été réalisées, dont 117 de nuit, par les appareils de l'aviation embarquée du PA qui ont traité près de 1 252 objectifs. Ces chiffres donnent une moyenne de 8 sorties/jour. Selon le Pentagone, ce sont en fait 154 sorties qui auraient été accomplies par les appareils embarqués sur le PA en 2 mois, soit près de 3 fois moins... Ce qui est certain, c'est que des avions appartenant au groupe aérien du Kouznetsov semblent avoir bien été temporairement stationnés sur la base Hmeimim au cours de la mission. Selon certaines sources, des Su-33 y auraient ainsi été ainsi déployés pendant 2 semaines.

La mission du Kouznetsov a été marquée par la perte d'un MiG-29K et d'un Su-33, chaque fois lors de la phase d'appontage qui semble donc avoir posé des problèmes. Dans les deux cas, les pilotes ont été récupérés en mer. Le brin d'arrêt semble être à l'origine des deux incidents. Ainsi, c'est parce qu'il faisait des cercle dans les airs en attendant que le brin d'arrêt soit réparé que le MiG-29K se serait trouvé à cours de kérosène et se serait abimé en mer. Quant au Su-33, il aurait terminé sa course dans les eaux levantines suite à la rupture du câble de ce même brin d'arrêt lors de son appontage. Des missions de combat ont cependant au lieu et le MinDéf russe a mis en avant la contribution du PA et de son groupe à la prise d'Alep. Toutefois, force est de constater que si de nombreuses vidéos montrant le Kouznetsov et ses appareils ont été réalisées par des TV russes lors des dernières semaines, bien peu montrent en revanche des vols de Su-33 et de MiG-29K/KUB au-dessus de la Syrie (voir vidéo ci-dessous). Il semble en fait que l'emploi de ses appareils dans des missions de combat ait été limité à partir du PA. Et si certains d'entre eux ont volé depuis Hmeimim, il est probable que leur emploi n'ait pas été aussi décisif que ce que les MinDéf russe a bien voulu annoncer.

Le mot-clef est peut-être bien "expérience". C'est d'abord celle qui a certainement manqué aux pilotes impliqués dans cette mission méditerranéenne de l'Amiral Kouznetsov. Au cours de cette 8e traversée, l'équipage et les pilotes ont probablement acquis une expérience relativement faible du point de vue de la mise en oeuvre d'une mission de combat "à l'occidentale". Les difficultés révélées par les 2 incidents disposent d'origines multiples :

- la conception même du PA, pensé pour mettre en oeuvre des missions de verrouillage de zone dans l'Atlantique Nord et non des missions d'attaque de cibles terrestres avec son groupe aérien,

- les déboires rencontrés pour utiliser le simultateur terrestre d'appontage (NITKA) de Saki, en Crimée, alors que le simulateur de Ieïsk (kraï de Krasnodar) n'est pas encore prêt,

- le peu de temps dont ont disposé les pilotes pour s'entraîner avant de partir en mission.

Nous avions analysé ces aspects dans des billets précédents. Une fois revenu à quai, l'Amiral Kouznetsov devrait attendre qu'une cale se libère à Zvezdotchka (Severodvinsk) afin de rentrer en IPER au cours du 1er trimestre 2017. Sa durée de vie devrait être prolongée jusqu'à 2030. Pendant cette IPER, les pilotes s'entraineront pour leur part en Crimée et, quand il sera fin prêt, sur le NITKA de Ieïsk.

Un amiral au service de la diplomatie

Le PA et le croiseur nucléaire Pierre le Grand ont quitté les eaux du Levant le 6 janvier, suite à la décision prise par Vladimir Poutine d'alléger le dispositif militaire russe en Syrie. Cette décision fait écho à celle prise le 14 mars dernier, lorsque le Kremlin avait ordonné un "retrait partiel" du contingent en Syrie afin d'appuyer la résurrection du processus de Genève piloté par le duopole américano-russe. Sauf qu'en lieu et place de "désengagement", la voilure du dispositif russe en Syrie avait en fait évolué, des hélicoptères d'attaque (Ka-52 et Mi-28N) s'étant assez largement subsitués aux avions d'attaque au sol (Su-25 notamment). Quelques jours après le retrait du PA et de son groupe aérien embarqué, le 10 janvier, 12 Su-25 sont arrivés sur la base aérienne Hmeimim en provenance de Mozdok, dans le sud de la Russie. L'arrivée de ces appareils d'attaque au sol laisse présager que des opérations d'appui pourraient avoir lieu, par exemple dans la province d'Idlib contre le front al-Nosra, ou dans le nord de la Syrie, en soutien aux troupes turques engagées contre l'Etat islamique, près d'al-Bab. Le "désengagement" russe paraît donc une nouvelle fois très relatif et revêt plus une dimension déclaratoire ayant pour vocation d'appuyer la nouvelle séquence diplomatique qui doit s'ouvrir le 23 janvier prochain à Astana, au Kazakhstan.

Sur le chemin du retour, alors qu'il croisait au large des eaux libyennes, le PA a reçu un invité : le général Haftar. Il s'agit peut-être bien d'un des objectifs remplis par le PA : celui de la mission de diplomatie navale. Le général Haftar a visité Moscou a deux reprises depuis le mois de juin et semble bénéficier de l'intérêt de la Russie. Cette visite "surprise" n'a pas du passer inaperçu aux yeux des Egyptiens, des Emiratis ou des Jordaniens qui soutiennent Khalifa Haftar dans son combat contre les djihadistes en Cyrénaïque.

Conclusion

Alors que le programme d'armement 2018-2025 devrait voir le jour d'ici la fin de l'année 2017, cette mission pourrait avoir achevé de convaincre ceux qui, au sein du complexe militaro-industriel et de l'élite politico-militaire russe, sont hostiles aux grands programmes de bâtiments de surface. S'il n'était de toute façon a priori pas prévu de mettre sur cale un nouveau PA au sein du programme 2018-2025, certains en évoquaient en revanche la possibilité pour le plan suivant. La question qui se pose est de savoir ce qu'a été l'apport réel du Kouznestov aux opérations russes en Syrie. Au plan opérationnel, cet apport semble avoir été limité. En lieu et place d'un nouveau PA, certains, y compris au sein de la marine, préféreraient plutôt voir l'Etat passer commande pour des frégates polyvalentes ou des croiseurs, capables de tirer des missiles de croisière. Au final, la base aérienne dont dispose la Russie à Lattaquié -"l'Amiral Hmeimim"- fait bien plus office de "porte-avions" que le Kouznetsov. 

 

MàJ 18/01/2017 : selon RBK, l'IPER de l'Amiral Kouznetsov serait remise à 2018. En fait d'IPER, le PA subirait une modernisation en profondeur menée par le bureau d'étude Nevski (St Pétersbourg). Il serait question de retirer les missiles afin d'augmenter la place disponible dans le hangar pour les appareils. Le bâtiment évoluerait ainsi vers un concept d'arme offensive et perdrait de sa dimension hybride de croiseur porte-aéronef destiné à faire du verrouillage de zone. Le glissement du début des travaux vers 2018 pourrait avoir des raisons budgétaires : leur financement pourrait ainsi être inclus dans le programme 2018-2025.

 

Vidéo 1 : la traversée en Méditerranée du PA Amiral Kouznetsov. Source : MinDéf russe.

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