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Jour de la Flotte en Russie : le temps des questions

1 Août 2016 , Rédigé par Khan Publié dans #Projet 23560, #Porte-avions, #Projet 885, #Projet 955, #Projet 22350

Source : TASS

Source : TASS

La Russie a célébré hier le Jour de la Marine. Tandis que des parades étaient organisées à Saint-Pétersbourg, Baltiisk, Sébastopol, Severomorsk, Vladivostok ou encore Astrakhan, cette journée a aussi été l'occasion pour un certain nombre d'officiels de revenir sur l'état d'avancement du programme de modernisation des forces navales, ainsi que sur l'avenir de la marine.

 

Selon l'EM de la marine russes, ce sont 42 navires qui ont été admis au service actif entre 2013 et 2016, et 50 autres doivent l'être d'ici à 2018. Le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou a pour sa part annoncé hier que la marine aura reçu, fin 2016, 40 nouvelles unités, dont 12 navires de combat, et 23 bâtiments de soutien. Selon un article publié par le quotidien Iszvestia, en dépit des difficultés économiques, la Russie entend poursuivre le programme de construction navale et de modernisation de sa marine. Le journal, qui s'appuie sur les déclaration du commandant en chef-adjoint de la marine en charge de l'armement, ajoute que les projets portant sur la construction du destroyer atomique Lider (Projet 23560), du PA Shtorm (Projet 23000) et du grand navire amphibie Lavina font l'objet d'une attention toute particulière. Il convient cependant de nuancer ces déclarations faites lors de la visite du responsable dans les locaux de l'industriel Krilov (St Pétersbourg). Elles portent sur les trois principaux grands projets de futurs bâtiments de surface qui sont, en cette période de forte pression budgétaire, très certainement dans le collimateur du ministère des Finances et vus d'un mauvais oeil par les responsables de l'armée de terre et des forces aériennes compte tenu de leur coût très élevé. Il est en revanche probable que, si elle intervenait, la validation de ces projets dans un futur plan d'armement serait bien accueillie par les marins et les industriels concernés.

Quelques nouvelles du fond des océans

A la lecture de déclarations d'officiels de la marine faites au cours des dernières semaines, il ne semble désormais plus tabou de dire que certains projets du programme d'armement 2011-2020 dépasseront assez largement les échéances prévues. C'est le cas pour les SSGN du Projet 885 Yasen, dont l'achèvement de la construction des 7 unités est désormais attendue pour 2023. La 6e unité, le Perm a été mise sur cale hier par Sevmash (Severodvinsk).

Les SNLE du Projet 955-M Boreï-M devraient recevoir une version améliorée du missile balistique intercontinental Boulava, le Boulava-M. Tandis que les 3 premières unités (K-535, K-550 et K-551) recevront des missiles Boulava, les 5 suivantes seront donc dotées en Boulava-M, dont les tests seront réalisés à partir du TK Dmitri Donskoï (Projet 941).

L'article cité ci-dessus publié par Izvestia annonce, assez curieusement, qu'il est encore question d'installer un AIP sur des SSK du Projet 677 Lada. Il paraît pourtant difficile d'imaginer la poursuite de ce Projet si, comme annoncé par la marine fin juin, il est question de mettre sur cale la première unité du SSK de nouvelle génération Kalina en 2018. Le bureau Rubin (St Pétersbourg) semble avoir mis au point un AIP pour le Kalina, dont les essais doivent débuter d'ici la fin de l'année, avec l'objectif de livrer un produit fonctionnel en 2021-2022, soit plus de 4 ans après la mise sur cale escomptée de la 1ère unité des SSK Kalina. De son côté, le bureau Malakhit a annoncé avoir mis au point un AIP pour équiper des petits submersibles.

L'échec de la 4e génération de SSK (Projet 677) conduit la marine à commander de nouveaux SSK de génération 3+ (type Kilo) pour équiper notamment la flotte du Pacifique.

Difficultés en surface

Les projets de renouvellement de la flotte de surface russe subissent durement les contrecoups de la crise ukrainienne, et notamment la fin de la coopération technique et technologique avec l'étranger. La cessation de la livraison des turbines à gaz par l'ukrainien Zorya-MachProject va entraîner des retards considérables dans l'admission au service actif des 3 dernières frégates du Projet 11356M, et dans celles du Projet 22350, dont la cible est de 6 unités. La livraison des 5 dernières frégates a été repoussée à 2025, afin de laisser le temps à Saturn (Rybink) de mettre au point des turbines indigènes. La première unité, l'Amiral Gorchkov, qui dispose de ses turbines, devrait être admise au service actif d'ici la fin 2016, toutefois de graves problèmes persistent dans la mise avec le système anti-air Polyment-Redut, comme indiqué récemment dans un article du journal Gazeta. Il semblerait que le système soit seulement capable de fournir une couverture aérienne dans un rayon de 40 km (moyenne portée). Jusqu'à un temps récent, seul le radar courte portée (15 km) fonctionnait. Les bâtiments équipés de ce systèmes (corvettes lance-missiles du Projet 20380, frégates du Projet 22350) ne disposent donc pas de couverture anti-air au-delà de 40 km à moins d'évoluer dans un environnement couvert par des systèmes anti-aériens basés à terre (S-300, S-400 etc).

Destroyers, porte-avions...dans quel but ?

Au-delà de l'image de puissance que véhicule une flotte hauturière, quel serait pour la Russie l'intérêt de disposer de destroyers et d'un, voire plusieurs PA ? La question n'est pas encore tranchée en Russie, d'autant qu'à ce jour, la marine ne dispose pas d'une vision stratégique sur son rôle futur, et reste donc encore "gorchkovienne" par défaut, bien que ni les moyens, ni les objectifs ne soient les mêmes que dans les années 1970 et 1980. Le rayon d'action de la marine russe s'est contractée depuis 1991 et les capacités hauturières russes se sont largement atrophiées. Est-ce pour autant un drame ? A priori non, compte tenu du fait que les intérêts maritimes de la Russie restent concentrés dans ses eaux littorales, dans sa ZEE, à l'exception de l'Arctique et, comme démontré par la crise syrienne, du Levant. Or, la marine russe a répondu avec une surprenante efficacité aux missions de support logistique, de dénis d'accès et d'appui feu qui lui ont été assignées en Syrie.

Au plan stratégique, hormis la composante sous-marine et la dissuasion nucléaire, la marine ne semble pas disposer d'une vision concernant ses missions, et semble donc progressivement retourner à une fonction purement tactique, de plus en plus centrée sur des missions de déni d'accès et d'interdiction de zone sur le pourtour du territoire russe. Subsistent les exercices navals et les visites d'escales dans les ports étrangers, qui sous-tendent des partenariats politiques et doivent amener des contrats au VPK russe. Toutefois, ni la mise en service de destroyers atomiques, ni celle d'un PA, ne fera éclore cette pensée stratégique navale qui fait aujourd'hui défaut ou qui ne s'exprime pas.

Au-delà du défis technique et technologique que représente la construction de plateformes navales hauturières, la marine s'interroge encore sur le "sens à donner" à ces projets pharaoniques. En témoigne ainsi l'existence de trois variantes pour le PA Shtorm, dont la signature du contrat de construction, si elle intervenait, se ferait en 2025. La piste d'un projet export reste valable, même si les déboires rencontrés dans le rétrofittage de l'INS Vikramaditya peuvent constituer un frein pour d'éventuels clients, tout en ayant apporté de l'expérience aux techniciens et ingénieurs russes. Le renouvellement du capital humain, et notamment la formation de spécialistes qualifiés pour les grands bâtiments de surface constitue un autre défis de taille, auquel il ne suffit pas d'apporter une réponse purement financière. La futur de la flotte hauturière russe reste, en somme, plus qu'incertain.

 

Sources : Gazeta, Flotprom, Vzgliad, RIA Novosti...

 

 

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