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La Russie fait déborder la mer Baltique

5 Avril 2017 , Rédigé par Khan Publié dans #Sous-marins, #Flotte de la Baltique, #Projet 1144

La Russie fait déborder la mer Baltique

La Russie a décidé de réaliser une démonstration de force en mer Baltique cet été. La nouvelle édition du Salon International de Défense Maritime (IMDS 2017) qui se tient à Saint-Pétersbourg du 28 juin au 2 juillet prochain et la parade navale du 30 juillet qui aura lieu - pour la première fois - à Kronstadt auront des airs nucléaires. Moscou a en effet décidé que le dernier Typhoon encore en service, l'ex-SNLE TK-208 Dimitri Donskoï (Projet 941) devrait prendre part aux deux événements tandis que le croiseur nucléaire Pierre le Grand (Projet 1144) défilera lors de la parade du 30 juillet.

Les deux plateformes font figures de mastodontes nucléaires de la flotte russe : il s'agit, dans le premier cas, du plus gros sous-marin du monde - 172 mètres de long, 12 mètres de tirant d'eau, déplaçant plus de 23 000 tonnes en surface -, et dans le cas du Pierre le Grand, il s'agit aussi d'un des plus imposant navires de surface (hors porte-avions) actuellement en service au niveau mondial (24 000 tonnes de déplacement). Ces deux unités servent dans la flotte du Nord, le croiseur en étant le navire amiral. Leur participation aux festivités pétersbourgeoises est inédite à maints égards, tout comme la tenue de la parade navale à Kronstadt. Traditionnellement, elle se déroule en effet sur le canal central de la Néva, au coeur de la Capitale du Nord russe. Compte-tenu de ses dimensions, le TK-208 devrait tout juste franchir l'Oresund (le détroit entre le Danemark et la Suède), profond de 15 mètres, et réaliser l'essentiel de sa traversée de la Baltique en surface. Le président Poutine doit encore valider ce déplacement, mais selon le journal Izvestia, les préparatifs liés à cette prochaine "mission" du submersible iraient déjà bon train. Ce déplacement changerait le Dmitri Donskoï de sa fonction habituelle. Dernier représentant des "monstres sous-marins" que sont les SNLE du Projet 941, le TK-208 a été converti au cours des années 1990 en plateforme d'essai et a notamment servi à tester le nouveau missile balistique intercontinental Boulava qui équipe les SNLE de nouvelle génération, les Boreï.

Source :  Izvestia

Source : Izvestia

Afin de rallier le Golfe de Finlande depuis les ports du Nord, ces deux bâtiments nucléaires vont devoir réaliser une circumnavigation de la péninsule scandinave (ce qui, au demeurant, ne leur prendra que quelques jours). Il s'agit d'un signal envoyé aux voisins scandinaves de Moscou, dont certains, comme la Suède et la Finlande, envisagent de reconsidérer leurs liens avec l'OTAN. Ces deux navires passeront aussi au large de la Pologne et des pays Baltes qui agitent la menace russe à longueur d'années. Cette démonstration de force est susceptible d'alimenter leur rhétorique...à peu de frais pour Moscou. Le flanc balte ne fait aujourd'hui pas partie des flanc russes qui connaissent une militarisation à marche forcée, comme c'est le cas en mer Noire, en Arctique ou encore, dans une certaine mesure, en Extrême-Orient. En outre, la mer Baltique est de fait un espace dénucléarisé ; un "statut" auquel la Russie est restée attachée depuis 1991. Toutefois, depuis la fin des années 2000, des signaux semblent indiquer que cette posture évolue. Qu'il s'agisse de scénarii d'exercices militaires impliquant le recours à des armes nucléaires tactiques, de la question des missiles Iskander à Kaliningrad (ces missiles peuvent recevoir une charge conventionnelle ou une charge nucléaire tactique) ou de l'envoie d'un ex-SNLE et d'un croiseur atomique en mer Baltique, ces signaux tendent à nourrir l'incertitude autour des intentions russes en matière nucléaire dans cette région. Là aussi, à peu de frais. Enfin, tout comme les vols de bombardiers stratégiques à proximité ou dans les espaces aériens des pays de l'OTAN, le déploiement de bâtiments nucléaires "là où on ne les attend pas" fait partie de la gamme de moyens mobilisés par Moscou pour maintenir la pression sur les membres de l'Alliance, y compris ceux qui, compte-tenu de leur éloignement géographique, s'estiment les plus à l'abri des contrecoups de la crise ukrainienne. 

En déployant près de 50 000 tonnes "nucléaires" en mer Baltique cet été, la Russie envoie donc un signal inédit sur la forme qui s'apparente à du "nuclear signaling" naval à l'attention de l'OTAN. En confortant les membres d'Europe orientale de l'Alliance dans leur représentation de la menace russe, ce déploiement va par la même occasion alimenter les divergences au sein de l'OTAN entre ceux qui estiment "qu'on joue à se faire peur en Pologne et dans les pays Baltes" et ceux qui, a contrario, prennent le défis russe très au sérieux.

Sources : Izvestia, Nezavissimaia Gazeta, Barents Observer...

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A
Le Donskoï a-t-il vraiment pris part au salon? Je n'ai pas vu d'infos à ce sujet ces derniers jours.
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K
Bonjour, non, je vous confirme qu'il n'y était pas. Il n'y avait d'ailleurs aucun sous-marins sur les 2 premiers jours au moins. Je ne crois d'ailleurs pas que le TK-208 ait quitté, à ce jour, les eaux du Nord pour rejoindre la Baltique... A suivre.