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Constructions navales russes 2018 : l'heure du bilan

28 Janvier 2019 , Rédigé par Igor Delanoë Publié dans #Chantiers navals, #Projet 22350, #Projet 11711, #Projet 21631, #Projet 22160, #Projet 22800, #Projet 18280, #Projet Kalina, #Projet Huskey

Constructions navales russes 2018 : l'heure du bilan

Quel bilan peut-on tirer de l'activité des chantiers navals russes pour l'année 2018 ? Alors que le nouveau plan d'armement 2018-2027 a été lancé, le programme précédent (2011-2020) se termine progressivement et continue d'égrener ses nouvelles unités. L'année 2018 aura donc été une période de césure et de transition vers des objectifs revisités et corrigés par le ministère de la Défense à travers son nouveau plan. Au demeurant, les forces navales russes ont continué de prendre une part active à des exercices (Vostok-2018...) et aux opérations militaires en Syrie, confirmant leur présence permanente dans les eaux du Levant. Que retenir de l'année écoulée en matière de constructions navales ?

Dans cette analyse, il sera question des admissions au service actif et des mises sur cale réalisées pour le compte du ministère de la Défense russe. Sauf mention contraire, sont comptabilisées les unités de combat sous-marines et de surface (frégates, corvettes, petits navires lance-missiles, navires collecteur de renseignement, dragueurs de mines...). Les bâtiments de soutien logistique, les navires de service ou les vedettes rapides ne sont pas prises en compte.

 

Au plan strictement numérique, 2014 demeure l'année faste jusqu'à ce jour pour la décennie des années 2010. Et 2018 ne devrait guère changer la donne en la matière, puisque, une fois encore au plan numérique, les chiffres pour l'année écoulée sont les plus faibles depuis 2013.

Tableau réalisé par l'auteur  à partir de la base de données du site RusNavy Intelligence.

Au cours des 6 dernière années, on constate une érosion du rythme des mises sur cale comme des ASA de sous-marins, qui ont atteint un pic en 2014. Ceci s'explique par la mise en chantier complétée en 2016 de l'ensemble des nouveaux SNLE de type Boreï et dérivé, et des SSGN du Projet 885. Les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de ce dernier programme contribuent aussi à ralentir le rythme des constructions de sous-marins... autant qu'il permet de réaliser quelques économies. Enfin, côtés propulsion classique, en dépit d'annonce assez pompeuses cette année concernant le Projet 677, la construction de ces SSK continue de poser problèmes et de stagner. La lumière viendra pour les mises sur cale des SSK du Projet 0636.3, dont un lot de 6 unités a été commandé pour la flotte du Pacifique. Deux bâtiments ont été mis sur cale en 2017, deux autres devraient l'être en 2019.

En surface, le nombre d'ASA a dépassé cette année le nombre de mises sur cale, ce qui ne s'était pas produit depuis 2014. Certes, on constate un "effet décembre" avec la moitié des nouvelles unités livrées dans les derniers jours de 2018 (voire tableau ci-dessous). La "ligne rouge" du 31 décembre a dû faire son effet au sein des différents chantiers et parmi les équipementiers, et il est possible que certaines plateformes doivent encore naviguer plus que prévu avant de rentrer de plain pied dans leur cycle opérationnel. Si les grands programmes de surface connaissent une amélioration (frégates du Projet 22350) ou un dénouement (contrat indien pour 2 frégates du Projet 11356 ex "russes"), la conception et l’acquisition de turbines russes à gaz continue néanmoins de ralentir la production des premières et de compromettre la poursuite de la construction des secondes. Ce défi vient s'ajouter aux problèmes d'intégration déjà rencontrés depuis des années par les industriels russes, avant même l’apparition de l’obstacle "turbines ukrainiennes".

Il est à prévoir une augmentation du nombre d'unité mises en service au détriment du tonnage unitaire qui devrait continuer de s'affaisser d'ici la fin des années 2010 et encore au début des années 2020

Tableau réalisé par l'auteur  à partir de la base de données du site RusNavy Intelligence.

Quatre remarques peuvent être formulées à la lecture de ce tableau :

Les "arlésiennes" arrivent enfin

Il s'agit de la frégate Amiral Gorchkov et du grand navire de débarquement Ivan Gren, tous deux têtes de série, respectivement des projets 22350 et 11711. A eux deux, ils totalisent près de 26 ans de construction, d'essais et de temps passé à quai en attendant leurs équipements. D'ici à ce que l'ensemble prévu du lot de frégates de type Gorchkov - 8, puis 6 unités, qui peuvent devenir 5 - soit achevé, il sera largement temps pour la marine que l'unité tête de série du projet de frégate "super Grochkov" (Projet 22350M) voit sa quille posée. Quant au Ivan Gren, le destin de ce projet semblait réglé ; après la livraison de la deuxième unité, le Piotr Morgunov, la marine ne voulait plus en entendre parler. Certaines infos relayées à l'automne, après l'ASA de l'Ivan Gren, suggèrent néanmoins un regain d'intérêt pour ce projet.

Le grand navire de débarquement Ivan Gren lors de son arrivée à son port base de la flotte du Nord : Severomorsk. (с) информационный вестник «Трудовая вахта» АО Центр судоремонта «Звёздочка»

De nombreuses têtes de série

Sur les 8 navires livrés cette année, 4 sont des têtes de série : la frégate Amiral Gorchkov, le grand navire amphibie Ivan Gren, le patrouilleur Vassili Bikov (Projet 22160) et le petit navire lance-missiles Mitichi (ex Uragan). Le "parc" de plateformes se renouvelle et se rajeunit, avec des projets qui peuvent parfois sembler faire doublon (Projet 22800 et Projet 21631, par exemple, tous deux équipés de Kalibr). Le temps de construction du patrouilleur - un peu moins de 5 ans - mais surtout, celui du petit navire lance-missiles Mitichi - 3 ans - reste raisonnable pour des unités tête de série, même avec un tonnage léger (respectivement 1 300 tonnes et environ 800 tonnes). Il faut s'attendre à ce que ce délai de construction se contracte encore, surtout pour les patrouilleurs, dès lors que les financements suivent.

Le petit navire lance-missiles Taïfun, deuxième unité du Projet 22800, ici à quai au chantier naval Pella (St Pétersbourg). (с) Gogs / forums.airbase.ru

La flotte de la mer Noire, grande gagnante de la cuvée 2018

Avec 4 plateformes sur 8 admises au service actifs versées à la flotte de la mer Noire, cette formation navale (continue) de tirer son épingle du jeu. Elle avait été la mieux dotée en 2016 et en 2017 également. Les 2 petits navires lance-missiles du Projet 21631, le patrouilleur Vassili Bikov et le navire espion Ivan Khurs viennent rajeunir un parc de plateformes déjà passablement renouvelé depuis le début des années 2010, et élargir ses capacités (patrouilleur du Projet 22160). La flotte de la mer Noire confirme son statut de formation polyvalente multi-régionale (de la Caspienne, au Levant, via le canal Volga-Don, la mer d'Azov et la mer Noire) en plein essor. De nouvelles unités légères et puissamment armées devraient venir garnir ses rangs d'ici la fin des années 2010 : petits navires lance-missiles du Projet 21631, 22800 et les patrouilleurs du Projet 22160, notamment. Une incertitude continue de planer sur le renouvellement des capacités amphibies ainsi que, dans un autre registre, sur la fiabilité des turbines des unités du Projet 21631.

Le Ivan Khurs à quai au chantier naval du Nord (St Pétersbourg). (с) korabel.ru

La "kalibrization" de la flotte se poursuit

Cinq des 8 plateformes livrées cette année sont équipées en missiles de croisière Kalibr : la frégate Gorchkov, les 3 petits navires lance-missiles et la corvette Gromkiy, versée à la flotte du Pacifique. Ce phénomène relève d'une tendance qui n'est pas prête de s'effriter : la "kalibrization" de la flotte russe se poursuit depuis la moitié des années 2010 (avec les SSK du Projet 0636.3, les frégates du Projet 11356, le Projet 21631...).

La corvette Gromkiy à Vladivostok, 25 décembre 2018. Source : OSK

Numériquement faible, les ASA au sein des forces navales russes se caractérisent néanmoins par un facteur qualitatif fort, et portent sur des projets lancés dans les années 2000 (Projets 22350, 11711), comme dans les années 2010 (Projet 22800, 22160).

 

A suivre en 2019 :

- la construction du nouveau lot de SSK pour la flotte du Pacifique, dont l'unité tête de série, le B-603 Volkhov, devrait être mise à l'eau cette année, tandis que 2 autres pourraient être mises sur cale au chantier naval de l'Amirauté (St Pétersbourg), qui va néanmoins devoir commencer à songer à l'après "rente" assurée par les Kilo.

- l'ASA du K-561 Kazan (Projet 885), dont les essais en mer ont débuté en septembre dernier.

- les progrès du côté des SNLE du Projet 955 avec une possible livraison du Kniaz Vladimir. Si elle intervient, reste à voir dans quelle mesure il peut être doté en temps et en heure en missiles Boulava.

- la progression de la réflexion sur le SNLE ou SN polyvalent (Boreï B ou Huskey...) de nouvelle génération.

- l'avancée du projet du SSK de nouvelle génération (Projet Kalina)

- en surface, la poursuite de la construction, plutôt réussie pour le moment, d'unité de faibles tonnages (Projet 21631, Projet 22160, Projet 22800...) attestée cette année par la mise sur cale de 2 petits navires lance-missiles du Projet 21631 (Naro-Fominsk, Stavropol) et d'un patrouilleur (Projet 22160).

- le programme de corvettes lourdes du Projet 20380/20385 dont pas moins de 4 unités pourraient être versées à la flotte en 2019.

- la poursuite du programme de dragueurs de mines du Projet 12700 : une unité a été admise au service actif ces derniers jours, et une autre mise sur cale en 2018.

- l'intégration du système Pantsir navalisé sur les nouvelles plateformes

- des éléments sur la future frégate "super Gorchkov", dont on ne devrait pas voir le bout de la proue avant la moitié des années 2020.

 

Photo : frégate Amiral Gorchkov lors de la parade navale à Kronstadt, 29 juillet 2018. (с) Алексей Поколявин / ЦАСТ

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